DONBASS DES POPULATIONS DIVISÉES
Depuis 2014 le Donbass est au cœur de la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine. Les deux belligérants s’affrontent férocement pour le contrôle de ce bassin industriel et minier. Les Ukrainiens clament que les mouvements séparatistes ne sont que des excroissances de Moscou et souhaitent restaurer l’intégrité territoriale de l’Ukraine. La Russie, quant à elle, affirme venir protéger des populations russes d’un régime nazi qui les persécute. Cependant, sur le terrain, la situation est plus que complexe que ce qu’affirment Kiev et Moscou.
La région nommée « Donbass » regroupe les oblasts (division administrative de l’ex-URSS) de Louhansk et de Donetsk. Louhansk ou Lougansk a une superficie de près de 27 000 km² est peuplé d’environ 1 million et demi d’habitants. Pour une superficie équivalente, l’oblast de Donetsk est plus peuplé, il abrite plus de 4 millions d’habitants[1].Ainsi avec ses 5 millions d’habitants, le Donbass regroupe à lui seul plus de 11 % de la population ukrainienne. Au siècle précédent les population sde ces provinces ont connu la colonisation, la déportation, les massacres et l’immigration. En résultent des populations d’origines diverses et aux identités multiples et notamment une importante minorité russe. Selon un selon un recensement de 2001,[2]le Donbass est, après la Crimée, la région d’Ukraine comportant le plus de populations d’origines russes. Celles-ci représenteraient environ 39 % de la population totale.
Le changement de régime en Ukraine en février 2014 est engendré par la Révolution de Maidan. En réponse des manifestations anti-maidan éclatent dans plusieurs villes orientales du pays et plus particulièrement dans le Donbass. « Ces protestations ont été baptisées de “Printemps russe” à cause du soutien que leur apporte Moscou. Soutenus par des forces de sécurités russes, les protestataires anti-maïdan se sont emparés des bâtiments administratifs, dans plusieurs villes [1]». Le 11 mai de cette même année se tient un référendum qui entraîne la proclamation d’indépendance des Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk (DNR et LNR). En février 2015 les belligérants se retrouvent en Biélorussie pour ratifier les accords de Minsk. Ce traité divise le Donbass endeux zones. La première sous l’autorité ukrainienne et la seconde est contrôlée par la séparatiste prorusse qui obtiennent 16 000 km² soit 3 % du territoire global[2] et une bonne partie des ressources minières cependant aucune des parties ne respectent les accords et les combats vont continuer.
« Nous n’avons pas peur dessoldats russes »
L’invasion massive de février 2022 va accentuer lesfractures entre les populations du Donbass et engendrer un important exode.Plusieurs associations dont l’ONG ukrainienne Vostok SOS sont chargées d’aider les populations et d’évacuer les civils des zones de combats. Malgré un flux de réfugiés important, les bénévoles sont souvent confrontés à des habitants qui refusent partir malgré le danger. Certains, notamment les plus âgés, ne sont pas prêts à abandonner le peu de biens qu’ils possèdent. D’autres en revanche attendent l’arrivée de l’armée russe. Depuis le 24 février, les volontaires de Vostok SOS interviennent, mettant leur vie en danger, dans toutes les villes victimes de bombardements. Au mois d’avril,les volontaires prenaient en charge les habitants de Sievierodonetsk et de Lysychantks dont plusieurs milliers ont fait le choix de rester malgré l’intensification des combats et la progression de l’armée de russe. À l’instar d’un habitant de Sievierodonetsk qui, malgré sa maison détruite, déclarait alors « Nous n’avons pas peur des soldats russes. Ce qui nous terrorise ce sont les bombardements. Ce qui s’est passé à Boutcha ne se passera pas à Sievierodonetsk.[1] »Alors qu’aujourd’hui Sievierodonetsk et Lysychantks sont tombées aux mains des forces armées russes, des cas similaires se répètent dans les villes de Slovianks et de Bakhmut, prochaines cibles de Moscou.
« Bandera n’est pas notrehéros ».
Depuis plusieurs mois, Mikola et Eduard, deux volontaires de Vostok SOS, ont été confrontés à de nombreux refuse et ont même été pris à partie par des locaux. Comme l’explique Eduard, une part non négligeable de la population dans la région du Donbass, soutient la Russie.Selon lui, c’est le résultat d’un important travail de propagande. Mikola raconte : « Parfois notre travail est compliqué. Un jour dans la ville de Siversk, un homme nous a violemment interpellés en nous disant d’arrêter devenir évacuer les gens. Selon lui nous étions là pour vider la ville de ses habitants.[2] » Eduard ajoute ; « Une autre fois, une dame et sa famille ont refusé d’être évacuées, car elle nous disait avoir vu à la télévision que les réfugiés souffraient, qu’ils n’avaient aucun endroit où loger et qu’ils mourraient de faim. Alors que pas du tout, nous leur fournissons tout le nécessaire ! La propagande russe a aussi beaucoup joué sur l’enrôlement forcé. Il est vrai que les hommes ne sont pas autorisés à quitter le territoire, mais c’est normal en temps de guerre et il n’y a jamais eu de problèmes majeurs à cause de cela.Cependant des familles entières refusent de partir de peur de plus revoir un frère, un père ou un fils. Cela nous pose quelques problèmes, mais nous continuerons d’aider les gens dans le besoin et d’évacuer ceux qui le veulent ![3] »Cependant Eduard confie qu’il est inquiet par certains discours prononcés parles ultranationalistes ukrainiens. Il ne comprend pas pourquoi le russe devrait être interdit. « Pourquoi ne pourrait-on pas avoir deux langues en Ukraine ?Je peux être ukrainien et parler le russe. Je suis ukrainien et fier de l’être,tous les jours je risque ma vie face aux Russes. Nous sommes ukrainiens mais ici Bandera n’est pas notre héros[4]. »
[1]Entretien accordé d'avril 2022
[2] Ibid
[3] Ibid
[4] Ibid